samedi 1 septembre 2007

Summorum Pontificum (II)

Dans deux semaines entrera en vigueur le motu proprio Summorum Pontificum de Sa Sainteté le pape Benoît XVI, publié le 7 juillet dernier.



Tous les fidèles attachés au rite liturgique d'avant 1962 espèrent une généreuse application en France mais sont échaudés par le peu de cas que l'épiscopat , en son temps, réserva à la lettre apostolique sous forme de motu proprio de Jean Paul II, Ecclesia Dei addflicta, publié en 1988 à la suite de la consécration épiscopale sans mandat pontifical de quatre prêtres de la fraternité Sacerdotale Saint Pie X.

La lettre apostolique disait ceci (cf Lettre apostolique Ecclesia Dei § 6, alinéa c) :


On devra partout respecter les dispositions intérieures de tous ceux qui se sentent liés à la tradition liturgique latine, et cela par une application large et généreuse (1) des directives données en leur temps par le Siège apostolique pour l'usage du missel romain selon l'édition typique de 1962. (2)



On a vu en pratique ce qu'il en a été de l'application large et généreuse dans l'Eglise de France! Cela se passe de tout commentaire, ce qui m'évitera d'être désobligeant vis à vis de nombreux évêques.



Je vous invite à lire le dernier numéro de l'Homme nouveau, journal authentiquement catholique, qui est remarquable dans ses analyses grâce, je le crois, à la rectitude doctrinale de l'équipe de rédaction. Ceci lui permet d'éviter les querelles, parfois sordides, il faut bien le dire, entre catholiques traditionalistes et catholiques "conciliaires", sans compter les querelles non moins lamentables entre les "lefebvristes" (comme si Mgr Lefebvre était à l'origine d'une nouvelle théologie ecclésiale) et les catholiques Ecclesia Dei. J'ai vécu cette période d'après 1988 de façon douloureuse, témoin direct ou indirect de tant de faits avérés qui répugnent à la charité chrétienne la plus élémentaire. En écrivant ceci, je ne tombe pas dans un angélisme naïf. Je sais que derrière ces querelles se cache un enjeu doctrinal grave qu'il ne faut pas occulter, faute de quoi l'Eglise toute entière se trouverait en situation périlleuse. Il n'en demeure pas moins que la disputatio doctrinale a été, hélas, souvent ravalée à des arguments ad hominem peu glorieux et à des attitudes blessantes les uns vis à vis des autres. Il est resté, cependant des hommes et des femmes d'Eglise, possédant un sensus ecclesiae particulièrement élevé, pour garder raison et replacer le débat, voire le combat, à sa véritable place.













A gauche, le cardinal Ratzinger lors d'une messe célébrée selon le rite tridentin ou forme extraordinaire désormais.





Forma ordinaria et forma extraordinaria



Le motu proprio est un texte précis et remarquable. Benoît XVI n'est pas homme à confondre vitesse et précipitation. En rappelant que la liturgie romaine ne comporte pas deux rites mais un seul, avec deux formes : la forme ordinaire (messe de Paul VI) et la forme extraordinaire (messe tridentine), le pape ne s'est pas livré à un tour de passe passe pour se sortir d'une situation conflictuelle qui dure depuis près de 40 ans. La formulation est le fruit d'une longue maturation et nul doute des grâces d'état dispensées avec l'aide de l'Esprit Saint.


L'abbé Chanut, dans le dossier que l'Homme nouveau consacre au motu proprio parle très justement d'un renversement de perspective. Jusqu'alors, tenants et adversaires de la messe de saint Pie V s'opposaient, les premiers parlant d'une messe quasi hérétique, construite de toute pièces, les seconds affirmant de façon péremptoire que l'ancienne messe était abrogée. Les évêques se fondaient sur l'impossibilité de pratiquer au sein d'un même diocèse un biritualisme contraire au caractère unitaire (unam ecclesiam dit le Credo) et universel de l'Eglise. Argument que l'on pourra qualifier de léger quand on sait que l'on pratiquait, de fait, un multiritualisme rendant illusoire la notion même d'unicité de rite autour d'une messe de Paul VI, d'ailleurs, peu appliquée dans les normes définies par le Saint Siège.




Messe célébrée dans la forme ordinaire lors d'une assemblée plénière de la conférence des évêques de France


Les formes ordinaire et extraordinaire d'un seul et même rite conduiront à terme probablement à une certaine interpénétration. Il faut espérer que la forma extraordinaria tirera vers le haut la forma ordinaria qui présente de nombreuses faiblesses théologiques.


J'en veux pour preuve la prière de l'Offertoire:





Ce qui donne en français cette très belle traduction:



Recevez Père saint, Dieu éternel et tout puissant, cette offrande sans tache que moi, votre indigne serviteur, je vous présente à vous, mon Dieu vivant et vrai, pour mes péchés, offenses et négligences sans nombre, pour tous ceux qui m'entourent ainsi que pour tous les fidèles vivants et morts: qu'elle serve à mon salut et au leur pour la vie éternelle. Amen.



Quelle richesse dans cette prière! Elle est d'une densité incomparable. Tout l'essentiel de la messe, au sens philosophique du terme esse (l'être) s'y trouve rassemblé. Encore que le français ne rend pas compte du latin Hostiam qui signifie victime expiatoire et non pas simplement offrande. Cette prière de l'Offertoire nous montre que la messe est bien un sacrifice, le sacrifice de l'agneau immaculé (immaculatam hostiam), de sa nature propitiatoire, c'est à dire agréable à Dieu en réparation de nos péchés. Il est offert pour tous, universellement dans le temps et dans l'espace. Dans le temps pour les fidèles vivants et morts (vivis atque defunctis), dans l'espace pour ceux qui m'entourent (omnibus circumstantibus) et pour tous les autres (omnibus fidelibus).



Lorsqu'on compare cette prière avec celle de la forme ordinaire, nous sommes frappés par la différence. Jugez vous-mêmes.



Tu es béni Dieu de l'univers, toi qui nous donnes ce pain, fruit de la terre et du travail des hommes; nous te le présentons: il deviendra le pain de vie.



Quelles belles ambiguïtés dans la formulation! Rien n'est faux quand on récite cette prière dans un sens catholique mais encore faut-il que chaque prêtre, chaque fidèle y mette un sens pleinement catholique qui n'est en aucune façon explicitement signifié. Ce qui revient à dire que chacun peut interpréter à sa façon le sens des paroles, y compris dans un sens très naturaliste.



Oui, Dieu est le Dieu de l'univers au sens où il est factorem coeli et terrae, créateur du ciel et de la terre mais cette affirmation sonne mal aux oreilles d'un catholique. Elle aurait pour un peu une connotation maçonnique voire animiste.

Oui, l'hostie est le pain de vie, le pain de la vie éternelle mais ce n'est pas dit. Il deviendra le pain de vie ne laisse en rien sous-entendre que par le mystère de la transsubstantation il deviendra Corpus Christi tandis que l'Hostiam nous prépare à entrer dans le mystère de la Croix.

Le pain fruit de la terre et du travail des hommes. Fallait-il près de 2 000 années de christianisme pour aboutir à cette pauvre définition au ras de la terre? Vision très terre à terre et naturaliste qui ne rend pas compte de la destination future de ce pain appelé à être corps du Christ.

De même aucune évocation de la messe en tant que sacrifice ne figure. Toute référence à la victime sans tache, donc au Christ sur la Croix, a été gommée.

S'agit-il d'une offrande? Cela n'est même pas dit. Tout au plus parle t-on d'une présentation (nous te le présentons). Les rédacteurs de la messe nouvelle dans sa version française étaient suffisamment fins lettrés, du moins je le suppose, pour savoir que dans notre langue offrir et présenter n'ont rigoureusement pas le même sens pour nos contemporains.



Présenter, c'est montrer mais ne veut en aucun cas signifier offrir. "Venez, je vais vous présenter un magnifique tableau". Si je dis cela, je n'indique en rien à mon interlocuteur que je compte le lui offrir, à moins de lui faire la surprise après. Il est vrai cependant que le latin praesentare signifiait aussi offrir et que ce sens subsiste en français lorsqu'il s'agit d'offrir un présent. Mais là encore, nous nageons dans l'ambiguïté car le verbe présenter a perdu aujourd'hui le sens latin d'offrir et personne ne comprend offrir quand il s'agit de présenter.

Lex orandi, lex credendi. Cet adage que nous avons déjà cité prend ici sa pleine signification. Quand la prière est claire, la foi en est illuminée et ne s'égare pas sur des chemins de perdition. La sola scriptura et le libre examen de la théologie protestante ont conduit à d'impressionnantes dérives, à en juger par la prolifération des sectes, notamment en Amérique du nord et en Amérique latine. Or, le texte que nous venons de voir ouvre la porte à toutes les libres interprétations. C'est bien là que se situe le danger de dérapage théologique.



C'est pourquoi l'Eglise par la voix de son chef, en reconnaissant un seul rite sous deux formes, ne pourra faire l'économie d'une clarification théologique sur certains points pour que les formae ordinaria et extraordinaria s'unissent harmonieusement.



De même, nous savons que les communautés monastiques, jeunes comme anciennes, qui célèbrent dans la forme ordinaire le font avec sacralité. Demandons donc par la prière, notamment, que cette dimension sacrale soit appliquée de la même manière dans les paroisses. C'est peut-être ce qui a fait le plus souvent défaut. La réception de l'hostie chez bon nombre de fidèles au moment de la sainte communion est en l'exemple souvent le plus pitoyable.



Quand la messe ordinaire sera rétablie dans sa pleine intégrité dans le fond comme dans la forme, je pense que les deux formes pourront coexister ut in omnia glorificetur Deus!

Nota


(1) Souligné par moi-même.

(2) Traduction française donnée par le Saint Siège.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

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Socrate d'Aquin a dit…

Je reviens rapidement sur l'offertoire : Une des raisons pour lesquelles il a été réformé est qu'il fait "double emploi" avec le canon de la messe: le prêtre présente à Dieu une "offrande sans tâche", alors qu'il ne s'agit pour le moment que de pain.
De plus, quand vous citez l'offertoire de la forme ordinaire, vous vous contentez d'en citer la traduction française. Or vous n'êtes pas sans savoir que les traductions liturgiques françaises sont déficientes à bien des égards (comme celle de la prière qui suit l'offertoire). Or, s'il est fondé d'accuser les traductions, on ne peut pas en faire le reproche au texte latin, que voici:
"Benedíctus es, Dómine, Deus univérsi, quia de tua largitáte accépimus panem, quem tibi offérimus, fructum terræ et óperis mánuum hóminum: ex quo nobis fiet panis vitæ".

Voici une traduction plus fidèle, de mon cru: "Tu es béni Seigneur, Dieu de l'univers, car c'est de Tes largesses que nous recevons ce pain, que nous T'offrons, lui le fruit de la terre et de l'oeuvre de la main de l'homme: pour nous il deviendra le pain de vie".

Le pain de vie, n'est-ce pas ainsi que se désigne le Christ dans l’Évangile de Jean ? Cet Évangile présenterait-il donc des faiblesses théologiques ? Devrions-nous le corriger ?
La présence réelle est bien réaffirmée... mais en sous-entendant que ce moment est à venir, lors de la consécration, et qu'il n'a pas encore lieu. De ce point de vue, on pourrait même affirmer que c'est l'ancien offertoire qui avait besoin d'être corrigé.
De surcroît, l'offrande en tant que telle réside dans l'élévation des oblats et non dans les paroles qui l'accompagnent. Pour rappel, l'Eglise primitive avait pour coutume de présenter en silence, ce qui allait être consacré lors de la messe.
A titre personnel, je serais favorable à l'usage de l'offertoire de l'usus antiquor dans la forme ordinaire de la liturgie. Pour autant, on ne peut pas, affirmer qu'il y a des faiblesses théologiques dans la forme ordinaire.

Socrate d'Aquin.