mardi 2 octobre 2007

Saint François d'Assise



L’Eglise fêtera le 4 octobre saint François d’Assise qui reste une des plus grandes figures de la chrétienté.

Evoquer le grand saint que fut François d’Assise met toujours mal à l’aise car sa soif de pauvreté à l’image du Christ l’a conduit au dénuement le plus total et au partage avec les plus déshérités de son temps. Nous éprouvons beaucoup de gêne à parler de pauvreté quand nous sentons que notre vie est loin d’être vécue dans le dépouillement que François considérait comme nécessaire pour parvenir à Dieu.

Lui-même sentait bien les dangers qui pouvaient à tout moment dénaturer le sens de son engagement. Quand son œuvre commença à prendre de l’ampleur, François se rendit compte que des tiraillements parmi ses compagnons menaçaient l’unité de sa maison. Le Cardinal Hugolin, son protecteur et ami, l’invita à mettre par écrit une règle qui fixerait un cadre précis de vie. Le pape Honorius III intervint lui-même pour prescrire certains usages afin de limiter les abus nés de l’improvisation créatrice du Poverello : noviciat d’une année pour tout postulant, obligation de demeurer dans l’Ordre une fois la profession émise et liberté de circulation de frères soumise à l’autorisation du supérieur. Il fallait aussi un Ministre général. Saint François comprit alors qu’il ne pouvait assumer cette charge sans trahir son idéal de pauvreté évangélique. Il démissionna aussitôt de sa charge de supérieur.




Saint François remettant au pape la règle de l'Ordre qu'il a lui-même rédigée


L’Eglise en récupérant l’œuvre de François et en lui donnant un cadre juridique strict, en mettant en place une formation théologique pour les religieux, en multipliant le nombre de clercs, en envisageant de nommer des évêques choisis parmi les frères mineurs ne détournait-elle pas les compagnons de François du chemin de pauvreté et de fraternité qu’il avait tracé ? François en ressentit une vive angoisse et en souffrit terriblement dans sa chair.

On pourrait supposer que l’esprit de François le portait à une sorte de douce errance érémitique, faite de poésie et d’amour de la nature et qu’il ne pouvait vivre sa soif de Dieu enfermé dans un carcan de règles. Ce serait commettre une grave erreur sur la personnalité de saint François d’Assise. Toute sa vie, il prouvera que l’obéissance à l’Eglise était au cœur de ses préoccupations. Thomas de Celano qui fut un de ses proches compagnons nous montre dans la biographie qu’il traça de son maître à quel point l’obéissance était primordiale dans la vie franciscaine, telle que saint François lui-même la concevait. Le Poverello ne pouvait songer, ne fut-ce qu’un instant s’affranchir de l’Eglise.

Seulement, il n’était pas donné à tous d’atteindre les sommets de vie spirituelle et de mortifications à l’image de François. La faiblesse humaine est telle que l’Eglise dans sa sagesse avait bien senti le danger de l’existence d’une jeune communauté sans cadre juridique précis. Au fond, à bien réfléchir, l’œuvre de François était menacée de deux côtés. Par l’Eglise dans une certaine mesure mais surtout par les frères eux-mêmes qui auraient probablement très rapidement fait échouer l’aventure franciscaine s’ils étaient restés livrés à eux-mêmes sans cadre réglementaire.

Les fils de François d'Assise fidèles à la stricte observance continuent à porter la parole du Christ.

Ce risque n’était pas hypothétique car, bien plus tard, quand se souleva le vent de la révolution moderniste des années 60-70, les frères franciscain se mirent à réclamer la liberté franciscaine. Cela se traduisit par des abus inouïs. On en vint à tout remettre en cause. Le père Eugène de Villeurbanne qui résista contre vents et marées à cette vague de folie destructrice nous a laissé des notes sur cette période. Il s’agit de notes personnelles, non destinées à être publiées à l'origine. Elles sont rédigées dans un style quelque peu télégraphique et brut.

« Aucun respect pour la prière, on va on vient pendant la demi-heure après laudes.

La communauté a décidé, même quand il s’agit de décréter que l’on supprimait la messe conventuelle.

Tout ceci est justifié par une conception nouvelle de l’obéissance qui ne doit pas nuire à la liberté et à la dignité de la personne.

Notre vie religieuse n’est pas plus contemplative ni plus austère que dans l’une quelconque des congrégations modernes actives.

Priorité de valeur à l’action sociale et l’action temporelle sur l’action spirituelle.

Maisons vides qui devraient être toutes des résidences, et de plus où l’on ne fait pas l’effort de maintenir oraison, prières et pénitences communes. Grande faveur au cinéma, télé, sport, conférences, jeu de cartes, dont la place est de toutes façons disproportionnée avec l’exigence de prières et exercices communs. »

Quel constat effrayant !

Au centre le Père Eugène de Villeurbanne , à la barbe de patriarche(+ 1990) qui installa une nouvelle communauté franciscaine à Morgon dans le respect de la stricte observance.

Se pose aujourd’hui un grave problème avec la déformation de l’esprit franciscain. Le pape Benoît XVI a d’ailleurs rappelé, lors de sa visite à Assise, en juin dernier la nécessité de regarder saint François dans la totalité de son engagement face à Dieu et pour les hommes:

« François est un homme pour les autres, parce qu’il est jusqu’au bout un homme de Dieu. Vouloir séparer, dans son message, la dimension ‘horizontale’ de celle ‘verticale’ signifie rendre François méconnaissable ».

Rétablir François dans la totalité de sa personne c’est aussi faire ressortir le lien particulier que le saint entretenait avec la nature. François a chanté la merveille de la création divine : frère Soleil, sœur la Terre, sœur Eau etc... Nous l’oublions parfois. Or ce trait de la personnalité du Poverello n’est pas lié à une sorte de romantisme avant l’heure mais révèle le lien étroit qui existe, à ses yeux, entre l’univers et l’homme, tous deux créations de Dieu. L'un est indissociable de l'autre.

Thomas de Celano nous raconte la soumission de la nature devant François. L’épisode du sermon aux oiseaux et de la docilité des créatures est resté célèbre. Un jour qu’il s’adressait à la foule, sa voix était couverte par le chant des hirondelles. Il s’adressa à elles : « Mes sœurs, vous avez assez parlé, écoutez maintenant la parole du Seigneur et ne bougez plus jusqu’à ce que j’aie fini. » A la grande stupeur de la foule, le gazouillis des oiseaux cessa aussitôt.

Très connu également le récit du loup de Gubbio que le saint apprivoisa et qui vécut dans le village par la suite en parfaite harmonie avec les habitants.



Saint François apprivoisant le loup de Gubbio


Saint François nous montre le chemin de Dieu, de l’amour de Dieu que l’homme n’aurait jamais dû perdre s’il n’avait pas commis le péché originel. Son dépouillement est à l’image de la nudité d’Adam et Eve avant qu’ils ne tombent dans le péché. L’homme doit tout quitter, comme le Christ nous le demande pour trouver Dieu mais il doit retrouver la pureté d’âme nécessaire pour se réconcilier avec la création. Par la chute d’Adam et Eve, l’homme introduit le désordre dans la création, désordre qui se retourne contre lui comme lorsque le loup attaque les habitants de Gubbio. En renonçant au péché, en retrouvant en quelque sorte l’état d’avant le péché premier, François rétablit la nature dans son unité et son harmonie mais ce rétablissement passait aussi par la Croix à laquelle il prit part en recevant les stigmates de la Passion en septembre 1224 sur le mont Alverne. Retrouver dans une certaine mesure l'état ante peccato ne pouvait se faire que par une union intime au Sacrifice rédempteur de la Croix. Cette union douloureuse, François l'a acceptée par amour de Dieu et par amour pour sa création.

Comme nous serions bien inspirés de puiser dans la spiritualité franciscaine aujourd’hui, nous qui vivons dans un monde de plus en plus défiguré par l’activité humaine qui se confond le plus souvent avec l’appât du gain, la soif de richesses et de puissance. Tout l’opposé de l’âme de saint François d’Assise !

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